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Les Cahiers du journalisme N° 25
JOURNALISTE SPORTIF VS JOURNALISTE DE SPORT : VERS UNE REDÉFINITION DE LA PROFESSION ?

Snipers

La critique – en soi légitime – du travail des médias et des journalistes ne date pas d’hier. Elle s’est amplifiée avec la caisse de résonance des médias sociaux. Lesquels permettent à chacun d’entre nous, à tout moment et sur tout sujet, d’évaluer les contenus de presse en trois clics et deux claques. Pour en dire tout le bien, mais plus souvent tout le mal qu’on en pense !
Les principaux griefs sont connus : manque de rigueur, manque de profondeur, manque de distance, etc. Souvent dans la presse, entend-on, le monde est trop noir ou trop blanc ; il y a l’axe du mal ou celui du bien ; les salauds ou les héros. La grille de lecture de la réalité est forcément binaire : de gauche ou de droite, c’est vrai ou c’est faux, il faut être pro ou anti. Le milieu, le centre et l’eau tiède ne font pas recette. Oubliées les nuances et la complexité : il faut tran-cher ! Choisir-son-camp ! Tout le monde s’en plaint ? Mais tout le monde suit...
Les journalistes, dont le métier est d’exposer les faits - mais dans les faits, de s’exposer – sont des cibles faciles. Haro sur le messager. Défoulement garanti. Parfois avec mauvaise foi, souvent avec délectation. De Facebook en Twitter, les kalachnikovs ne s’enrayent jamais. Le tir est nourri, quotidiennement. Magie de l’interactivité on-line où chacun peut s’exprimer, répondre, se faire juge. Par conviction, ou pour épater la galerie.
Mais qui sont les porte-flingues de la critique en ligne du travail médiatique ? Intellectuels désœuvrés, sociologues en émergence, parangons de la vertu, zorros de la citoyenneté... la faune des cassandres et autres snipers de la presse sont de tous les horizons. Mais réunis par le même hobby : casser du journaliste ! Les mettre tous dans le même sac : ces derniers n’ont-ils pas fait le choix de nous emmerder, de poser des questions (idiotes bien entendu), de faire la morale à tout vent (de quel droit d’ailleurs ?), de s’énerver quand on leur cloue le bec, de chercher des puces et des poux, d’être incompétents à force d’être généralistes en tout... mais spécialistes en rien, de tout faire trop vite, de ne pas respecter la vie privée, d’être paresseux, et quoi d’autre ?
Mais que les bras cassés et les petites frappes du Net fassent aussi preuve d’un peu de jugeotte et de modestie. Oui « les » journalistes ont plein de défauts. Avec, chez certains, un zeste d’arrogance, un nuage de mauvaise foi et, on n’en est plus à un paradoxe près, des candeurs de Robins des bois auto-proclamés. Infréquentables quoi !Et pourtant, il faut rendre à César... et veiller à ne pas tomber dans le cynisme anti-presse, aujourd’hui si fréquent sur la Toile et les médias (a)sociaux. Parce que jusqu’à preuve du contraire, nos sociétés, nos institutions et autres communautés d’intérêts ont, à côté de l’info, encore besoin de poil à gratter. Histoire de ne pas ronronner. Et de ne pas prendre les « mais si ! » des spécialistes de la certitude et de la com pour des lanternes. Bref, de l’importance de douter et de faire douter. De semer sur nos itinéraires bien tracés et nos vérités implacables quelques nids de poule salutaires. De ce point de vue-là, les journalistes sont encore irremplaçables